Qui n'a pas écrit sur la ville ? Que n'a-t-on pas écrit à son propos? Depuis des siècles, les textes critiques se sont succédés, émanant d'hommes de formations très diverses, qui considéraient parfois que leur discipline était la seule à pouvoir légitimement s'interroger sur la ville, ses transformations à travers l'Histoire, ses possibles évolutions futures.
Historiens, géographes, sociologues, psychologues, urbanistes, architectes, économistes et même biologistes (Henri LABORIT) ont, tour à tour, pensé la ville. On l'a même éclairée à la lumière de courants de pensées divers comme par exemple la vision marxiste d'Henri LEFEBVRE.
Parallèlement, prosateurs, poètes, artistes en général ont rêvé la ville.
Pourquoi donc cet intarissable engouement pour la ville ? Si l'on se souvient de cette pensée d'ARISTOTE : "L'Homme est un animal social", on peut sans doute tenter de lever un coin du voile et considérer que la fondation des villes était inéluctable. "Représentation symbolique du monde" comme l'écrit Lewis MUMFORD, tentative pour mettre l'Homme au diapason de l'univers, preuve d'une inflexible volonté humaine désireuse de toujours dépasser ses propres limites - pensons au mythe de l'érection de la Tour de BABEL - il est évident que la cité concentre activités et passions humaines.
Peu à peu va apparaître l'opposition tranchée entre ville et campagne. Celle-là sera alors ce milieu artificiel où la Nature a beaucoup de mal à survivre. Elle est le lieu de la revanche de l'Homme sur la Nature et la preuve du renversement du rapport de force millénaire entre eux, enfin en faveur de l'espèce humaine. Elle est également le lieu où l'Homme à triomphé du cycle naturel jour/nuit dans le mesure où les éclairages surpuissants de la ville moderne l'inondent de lumière et font reculer les ténèbres.
Symbole de la vie moderne, la ville sera tantôt condamnée comme lieu de déshumanisation, créature privant l'Homme, son créateur, de toute initiative, labyrinthe cruel n'offrant aucune possibilité de donner sens (direction/signification) à son existence, tantôt adulée comme preuve incontestable de la grandeur et du progrès de l'Homme.
Hideur de la mégalopole, rêves d'embellissement ! Les deux conceptions antagonistes voisinent. La ville est d'abord et avant tout ce nexus, véritable réseau d'échanges, de diffusions que facilitent au XX° siècle les medias et les moyens de télécommunication.
La ville moderne semble toutefois condamnée par certains : elle semble en effet avoir perdu ce statut qui fut longtemps le sien : être la représentation en miniature du cosmos et aussi le moyen d'écarter les affres du chaos.
Effet spéculaire, dimension transcendante disparaissent peu à peu par un insensible glissement, preuve d'une perte irrémédiable. La ville moderne paraît ancrée dans une immanence sordide - tel est un de ses paradoxes douloureux - et dégagée de l'éternité, elle s'englue dans un système clos dont il est impossible de sortir.