Les principes: extraits du Roman expérimental rédigé par Zola en 1880

Extrait 1
« Notre roman est devenu une véritable critique des moeurs, des passions, des actes du héros mis en scène, étudié dans son être propre et dans les influences que le milieu et les circonstances ont eues sur lui.
Comme je l'ai écrit, au grand scandale de mes confrères, l'imagination ne joue plus un rôle dominant; elle opère sur des faits probables. [...] Ce roman-là est une véritable page de critique, qui met le romancier devant un personnage dont il va étudier une passion, dans les conditions exactes où se trouve un critique devant un écrivain dont il veut démonter le talent. »

Extrait 2
« Le romancier naturaliste invente un plan, un drame; seulement, c'est un bout de drame, la première histoire venue, et que la vie quotidienne lui fournit toujours. [..] Tous les efforts de l'écrivain tendent à cacher l'imaginaire sous le réel.
Ce serait une curieuse étude que de dire comment travaillent nos grands romanciers contemporains. Ils établissent presque tous leurs oeuvres sur des notes, prises longuement. [...] On voit, dans ce travail, combien l'imagination a peu de part.
Un de nos romanciers naturalistes veut écrire un roman sur le monde des théâtres. Il part de cette idée générale, sans avoir encore un fait ni un personnage. Son premier soin sera de rassembler dans des notes tout ce qu'il peut savoir sur ce monde qu'il veut peindre. [...]Il se mettra en campagne, il fera causer les hommes les mieux renseignés sur la matière, il visitera les lieux, vivra quelques jours dans un théâtre pour en connaître les moindres recoins [...].Faire mouvoir des personnages réels dans un milieu réel, donner au lecteur un lambeau de la vie humaine, tout le roman naturaliste est là .»


Extrait 3

« Décrire n'est plus notre but. [...]Nous ne décrivons plus pour décrire, par caprice. Nous estimons que l'homme ne peut être séparé de son milieu, qu'il est complété par son vêtement, par sa maison, par sa ville, par sa province; et dès lors, nous ne noterons pas un seul phénomène de son cerveau ou de son coeur sans en chercher les causes ou le contrecoup dans le milieu. De là ce qu?on appelle nos éternelles descriptions ».